Une vision romantique de Rouen
Amis ! c’est donc Rouen, la ville aux vieilles rues,
Aux vieilles tours, débris des races disparues,
La ville aux cent clochers carillonnant dans l’air,
Le Rouen des châteaux, des hôtels, des bastilles,
Dont le front hérissé de flèches et d’aiguilles
Déchire incessamment les brumes de la mer;
C’est Rouen qui vous a ! Rouen qui vous enlève !
Depuis Rouen est surnommée la ville aux cents clochers.
Moins connue, la suite du poème est une ode aux paysages essentiellement européens.
[…/…] Quand vous verrai-je, Espagne,
Et Venise et son golfe, et Rome et sa campagne,
Toi, Sicile que ronge un volcan souterrain,
Grèce qu’on connaît trop, Sardaigne qu’on ignore,
Cités de l’aquilon, du couchant, de l’aurore,
Pyramides du Nil, cathédrales du Rhin!
Victor Hugo apprécie l’architecture médiévale, l’architecture gothique qu’on redécouvre au XIXe siècle (avec Viollet-le-Duc) et qui sert la fantasmagorie dans son roman « Notre-Dame de Paris ». En 1835, il écrit à sa femme :
« J’ai vu Rouen. […] J’ai vu tout, […] le Gros-Horloge, Saint-Ouen, Saint-Maclou, les vitraux de Saint-Vincent, les fontaines, les vieilles maisons sculptées, et l’énorme cathédrale qui fait à tout moment au bout des rues de magnifiques apparitions. Je suis monté sur le clocher de la cathédrale et sur la tour de Saint-Ouen. La ville et le paysage, de là-haut, sont admirables. »
Victor Hugo, visionnaire d’une Europe unie
Victor Hugo fut aussi un homme politique. Pair de France de 1845 à 1848, puis député pendant 3 ans.
De jeune royaliste, bonapartiste, il devint un opposant virulent à Napoléon III, « Napoléon le petit » comme il l’appelait. Il fut contraint à l’exil à Bruxelles, puis à Jersey et Guernesey. Élu sénateur à partir de 1876, il fut un républicain humaniste, européen, pacifiste, féministe … en avance sur son temps.
Dans son discours d’ouverture du Congrès international de la Paix à Paris, le 21 août 1849, Victor Hugo, qui en est le président, se montre un visionnaire sur la nécessité d’une Europe unie qu’il appelle de ses vœux, un siècle avant que ne s’amorce la construction européenne.
» […/…] je suis de ceux qui disent avec vous, tous, nous qui sommes ici, nous disons à la France, à l’Angleterre, à la Prusse, à l’Autriche, à l’Espagne, à l’Italie, à la Russie, nous leur disons : Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi !
Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France. Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand Sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement est à l’Angleterre, ce que la Diète est à l’Allemagne, ce que l’Assemblée législative est à la France ! Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être ! Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d’Amérique, les États-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies. »
Parlant de la nation Europe, Victor Hugo écrit en 1867 dans son introduction à «Paris-Guide» :
«Au vingtième siècle, il y aura une nation extraordinaire. […/…] Elle sera pudique et indignée devant la barbarie […/…] La vision d’un échafaud dressé lui fera affront. Chez cette nation, la pénalité fondra et décroîtra dans l’instruction grandissante comme la glace au soleil levant. La circulation sera préférée à la stagnation. On ne s’empêchera plus de passer. Aux fleuves frontières, succéderont les fleuves artères. Couper un pont sera aussi impossible que couper une tête.»
Il fallut attendre un siècle, et trois guerres, pour que les prévisions de Victor Hugo connaissent un début de réalisation.
Sur les traces de Victor Hugo
Comme la plupart (la totalité) des villes, Rouen a sa rue, son école Victor Hugo.
Nous avons compté dans l’agglomération rouennaise au moins une vingtaine de rues Victor Hugo et cinq écoles au nom de l’écrivain.
Pour mieux connaître Hugo, il faut aller à Villequier.
Depuis le milieu du XXe siècle, on peut y visiter le Musée Victor Hugo. Comme le dit la présentation du musée départemental sur son site web :
On y retrouve une double évocation des familles Hugo et Vacquerie, liées par le drame du 4 septembre 1843 au cours duquel périrent noyés en Seine, presque devant la maison, le jeune couple Léopoldine Hugo – Charles Vacquerie ainsi qu’un oncle et un neveu. Tous les quatre furent inhumés au cimetière de Villequier, rejoints plus tard par Adèle, épouse de Victor Hugo, puis par leur deuxième fille également prénommée Adèle.
Villequier est d’abord le lieu de résidence des Vacquerie, mais il fut aussi à de multiples occasions un lieu de séjour de Victor Hugo.
Le musée accueille régulièrement des expositions temporaires liées à l’œuvre littéraire de l’écrivain.
Allez à Villequier en vélo ! Une quarantaine de kilomètres au départ de Rouen, un peu plus de 2 heures pour les cyclistes entraînés, une seule côte, Canteleu.
Beaucoup plus long, mais quasiment pas de côte en suivant l’itinéraire proposé par le site tourisme de Seine-Maritime.
Si vous voulez tout savoir sur le plus grand poète français (« Hélas ! » avait ajouté André Gide), une visite s’impose aux maisons Victor Hugo à Paris et sur l’île anglo-normande Guernesey.
Pour en savoir plus
https://gallica.bnf.fr/blog/08042019/victor-hugo-et-les-etats-unis-deurope-i