La bataille d’Hastings a fait de Guillaume le Conquérant un héros normand, redécouvert tardivement, mais il est aussi un souverain anglo-normand avisé qui oriente l’Angleterre vers le continent européen.
Du point de vue culturel
Environ 20 000 Normands vivaient en Angleterre en 1087. Faisant partie des vainqueurs et de l’élite, surtout les clercs, ils apportent leur culture continentale. Mais les échanges entre peuples génèrent forcément une hybridation culturelle.
- Dans le domaine linguistique, il y eut coexistence des deux langues : le français et l’anglo-saxon. Le français demeure la langue de l’élite. A la longue, les interférences entre les deux langues modifient la langue de chacun. Cela se voit dans les noms de famille normands qui se transforment. Progressivement se forge l’anglo-normand qui se distingue des parlers français de France et devient de l’anglais.
- Dans le domaine littéraire, l’interférence entre la chanson de geste introduite par les Normands et la mythologie celtique génère une nouvelle forme littéraire qui intègre le merveilleux celtique et qui passe sur le continent. La légende de Tristan et Yseut appartient à cette veine.
- Dans le domaine architectural, les nouveaux maîtres imposent la construction d’églises dans le style roman normand, avec notamment une tour-lanterne. Les cathédrales normandes de Winchester et de Worcester reproduisent le plan de la cathédrale de Rouen. L’ornementation géométrique normande, avec ses bâtons brisés, chevrons, rouelles et entrelacs, est aussi introduite en Angleterre.
- En revanche, dans l’architecture militaire, c’est l’Angleterre le laboratoire de l’énorme donjon carré. Le donjon du château de Norwich (1120) inspire celui de Falaise (1123).
- Dans le domaine politique, la création d’une administration centralisée efficace avec un droit écrit (importance de la chancellerie) fait de l’Angleterre un pays moderne.
À Rouen, seuls quelques lieux évoquent Guillaume le Conquérant
Le château ducal
Au XIe siècle, le château ducal était centré sur la Vieille Tour, près de la Seine, dans l’angle Sud-Est de l’enceinte urbaine du IVe siècle, derrière la Fierte Saint-Romain. Compte tenu que Rouen est la capitale de la Normandie ducale, il n’était pas seulement une résidence dynastique, mais aussi un centre politique avec des bâtisses pour l’exercice du pouvoir de commandement. C’est dans la grande salle qu’eut lieu la réception de Harold en 1064. Actuellement, seuls les toponymes, place de la Haute-Vieille-Tour et place de la Basse-Vieille-Tour évoquent son souvenir : Philippe Auguste a fait raser la construction, pour faire disparaître ce symbole de la puissance normande.
Le musée des Antiquités
Il y subsiste deux deniers en argent de 1068, frappés en Angleterre, représentant Guillaume le Conquérant, à la manière des rois anglo-saxons.
La crypte de la cathédrale
Guillaume la connaît sans doute, seul vestige de la cathédrale romane, terminée en 1063 et consacrée en sa présence.
Le prieuré Saint-Gervais
En 1087, Guillaume le Conquérant est un vieux roi, obèse, affaibli par la maladie. Victime d’un accident de cheval au cours d’un épisode guerrier (attaque de Mantes, dans le domaine royal capétien), il est transporté dans le château ducal de Rouen, et de là au prieuré Saint-Gervais pour être au calme. C’est là qu’il décède, le 9 septembre 1087. Il est inhumé dans l’abbaye-aux-Hommes de Caen, conformément à sa volonté. Actuellement, l’église paroissiale Saint-Gervais est une reconstruction du XIXe siècle de style néo-roman. La crypte existe toujours, mais elle est rarement ouverte aux visiteurs.
Un tableau d’inspiration romantique de Charles Lefebvre (1863) au musée des Beaux-Arts représente sa mort.
La rue Guillaume le Conquérant dans le centre de Rouen, est parallèle à la rue Rollon, toutes deux créées en 1860, lors de travaux d’urbanisme.
Le pont Guillaume le Conquérant
Conçu par Arthur-Georges Héaume, le pont Guillaume le Conquérant est inauguré en 1970. Ce pont en acier de 200,20m de long marque la limite amont du port maritime. Fonctionnel avant tout, ce pont ne comporte aucun décor. Il se distingue la nuit, éclairé en bleu.
Guillaume le Conquérant statufié
Oublié au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, boudé par la République au XIXe siècle, Guillaume le Conquérant est peu représenté en statue. À Bois-Guillaume 1, pour l’Espace Guillaume le Conquérant, créé en 2004, la mairie commande au sculpteur Jean-Marc De Pas une statue équestre de Guillaume le Conquérant. L’artiste réalise une sculpture moderne en bronze d’un Guillaume le Conquérant guerrier, altier, faisant corps avec son cheval au puissant cou arrondi, s’inspirant des représentations de la tapisserie de Bayeux. Les lignes stylisées, les parties évidées, le bloc buste-heaume conique sans visage, donnent au Conquérant un aspect fantasmagorique.
La conquête de l’Angleterre attache l’Angleterre au continent jusqu’à la conquête de la Normandie par le roi de France Philippe Auguste en 1204. On peut considérer que cette histoire commune a jeté les bases d’une entrée du Royaume-Uni dans la communauté européenne.
1. La toponymie de cette commune ne semble pas liée à Guillaume le Conquérant. ↩
Où se trouvent les lieux évoquant Guillaume le Conquérant ?
Références :
Michel de Boüard, Guillaume le Conquérant, Fayard, 2003.
Paul Zumthor, Guillaume le Conquérant, Tallandier, 2003.
L’Histoire, n° 424, juin 2016, « Guillaume le Conquérant Le destin d’un bâtard ».
My Normandie, Hors-série n°2, La Normandie médiévale, juillet 2016.
Dossiers Histoire et Archéologie, n° 117, juin 1987, Guillaume le Conquérant.
Article synthétique mais précis. Merci pour cette révision de qualité … surtout pour une Lorraine expatriée en Normandie.